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Affaire S. Raïssouni : Le département d’État US entre en action

Le Procureur général du Roi près la Cour d’appel de Casablanca a affirmé, lundi, que la justice a réuni toutes conditions garantissant un procès équitable au détenu Soulaiman Raissouni, en dépit de sa «position négative aux côtés de sa défense», qui a choisi d’entraver le procès au lieu de la poursuite des procédures comme l’exige la loi.
Le Parquet souligne, dans un communiqué, que contrairement aux allégations, le prévenu est «poursuivi pour des délits liés au droit commun qui n’ont aucun lien avec son travail de journaliste, et dont il a été informé et y a répondu en présence de sa défense depuis sa première comparution devant le juge d’instruction le 25 mai 2020». Il a ajouté que la décision de la mise en détention provisoire du mis en cause a été prise par le juge d’instruction conformément à la loi, et que sa défense avait, lors de la phase d’instruction préparatoire, préalablement exercé son droit de recours devant la Chambre correctionnelle à trois reprises.
Le communiqué assure que la défense de l’intéressé a obtenu copie de tous les documents de l’affaire, depuis sa première comparution devant le juge d’instruction le 25 mai 2020. Le Parquet précise que l’affaire a été renvoyée à la demande du journaliste ou à la demande de sa défense pour une durée d’environ quatre mois depuis la première séance du 02/09/2021 jusqu’à l’audience du 10/06/2021.
Evoquant le «refus» de Raissouni d’assister aux séances, le Parquet indique que le tribunal a été contraint de mettre en œuvre les dispositions légales prévues par le Code de procédure pénale et de «poursuivre l’examen de l’affaire en son absence, tout en chargeant le greffier d’aller en prison après chaque séance pour l’informer des faits».
Tout en dénonçant le«recours à la perturbation du procès, en imposant la politique du fait accompli pour entraver le déroulement des procédures et en mettant en œuvre par la force la volonté de certaines parties de l’affaire», le communiqué dénonce «un mépris des décisions du tribunal et une atteinte à son indépendance». «Les droits de la défense de l’accusé et la présomption d’innocence restent garantis à l’intéressé conformément à la loi, puisqu’il a le droit de faire appel de la décision rendue contre lui, ce qui soumet à nouveau l’affaire devant la chambre d’appel pénale, où il a alors le droit de présenter ce qu’il juge approprié pour sa défense».
Le jour même, les États-Unis se sont déclarés préoccupés par la condamnation du journaliste marocain, S.Raissouni, à cinq de prison ferme. «Nous pensons que le processus judiciaire qui a conduit à ce verdict contredit la promesse fondamentale du système marocain de la tenue de procès équitables pour les personnes accusées de crime», a déclaré le porte-parole du Département d’Etat.
Cette sentence «est incompatible avec la promesse de la constitution de 2011 et le programme de réforme de Sa Majesté le Roi Mohammed VI (…) Le Maroc doit assurer que les journalistes puissent travailler sans peur», a souligné Ned Price lors de son point de presse du 12 juillet.
N. Price a précisé que les États-Unis ont également soulevé avec le Maroc d’autres cas de journalistes emprisonnés, citant notamment le procès d’Omar Radi. Le porte-parole a affirmé que «la liberté de la presse est fondamentale pour des sociétés prospères et sûres, et les gouvernements doivent veiller à ce que les journalistes puissent exercer en toute sécurité leurs rôles essentiels sans craindre une attention injuste, des violences ou des menaces».
La liberté de presse au royaume a été au centre des discussion du 28 juin à Rome, entre Antony Blinken et son homologue marocain, Nasser Bourita.
Cette réaction US a fait sortir de l’ombre la Délégation interministérielle aux droits de l’homme (DIDH). Elle a jugé mardi que la déclaration du porte-parole du Département d’État US au sujet de deux mis en cause, dont le premier a été condamné, en première instance, à une peine de cinq ans de prison ferme pour une affaire de droit commun, tandis que le deuxième est en cours de jugement, est basée sur des informations « partiales » émanant exclusivement des soutiens des accusés.
« Ces informations ont sciemment occulté le point de vue des plaignants et de leurs défenses, allant jusqu’à renier leur statut même de victime et leur droit universellement reconnu à déposer plainte », a précisé dans un communiqué la Délégation après avoir pris connaissance du contenu de cette déclaration rendue publique lundi. De même, a poursuivi la Délégation, il a été constaté avec étonnement que la déclaration du porte-parole du Département d’État américain se réfère uniquement aux allégations de la personne condamnée, en se focalisant sur son statut professionnel, et à des prétendues « violations des normes relatives au procès équitable », alors que le parquet compétent dans son communiqué du 12 juillet 2021 a clairement mis en exergue le caractère équitable dudit procès.
« Le Maroc étant attaché au respect des droits fondamentaux de tous les justiciables, quels que soient leurs statuts, par conséquent l’indépendance du pouvoir judiciaire, consacrée par la Constitution de 2011 et découlant des réformes substantielles impulsées au Royaume, depuis plus de deux décennies, est garante du respect de ces droits fondamentaux », a insisté la DIDH.
Dans ce sens, « le Maroc demeure profondément attaché à la consolidation des valeurs des libertés individuelles et collectives, notamment les libertés d’expression et d’association, qui ne cessent de se développer, dans le cadre d’une société prospère, tolérante et inclusive, bannissant l’arbitraire, l’injustice et la violence », a conclu la Délégation.
Force est de souligner que l’Observatoire euro-méditerranéen des droits humains (Euromed Monitor) a pointé du doigt des restrictions sur les libertés au Maroc, visant particulièrement la liberté d’opinion, d’expression et de la presse. Un rapport publié lundi a déploré notamment les «méthodes illégales pour détenir, poursuivre et diffamer des activistes et des journalistes». Pour l’heure,«les autorités marocaines détiennent ou poursuivent toujours 21 journalistes et militants des droits civils et humains», dont S.Raïssouni, «pour avoir exprimé leurs opinions à travers les médias ou les réseaux sociaux», a indiqué l’ONG.
Selon Euromed Monitor,«l’absence de garanties constitutionnelles et légales suffisantes pour protéger le droit fondamental à la liberté d’opinion, d’expression et de travail journalistique a conduit à l’exacerbation des violations officielles et des abus envers l’exercice de ces libertés», a souligné un communiqué au sujet du rapport, qui s’est basé sur les témoignages de 15 journalistes et militants marocains ou de leurs proches.
Conseiller juridique de l’Observatoire euro-méditerranéen, Tariq Hajjar, a indiqué par ailleurs que la Constitution marocaine de 2011 «comprenait un ensemble d’articles garantissant la liberté d’opinion et d’expression», de même que le Pacte International relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Maroc. D’où les recommandations du rapport pour «libérer toutes les personnes détenues au motif de délits d’opinion et d’expression» et «mettre fin à la politique de poursuite et de détention des activistes et des journalistes et de restriction de leur travail légitime».

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