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Déconfiture économique du Liban : La crédibilité de Washington en question

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Sam Heller, analyste politique, journaliste et chercheur au Century International Center for Research and International Policy, basé au Liban, a affirmé que « les relations solides des États-Unis avec les élites politiques et économiques au Liban constitueront un véritable test du sérieux » de l’administration Biden et de son « agenda anti-corruption »

S. Heller affirme dans un article publié lundi dans le magazine américain « Foreign Affairs », en s’appuyant sur les propos d’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, que « l’opération  Ponzi Skim  menée par la Banque centrale du Liban est responsable de la faillite du pays ».

A noter que le terme Ponzi Skim est un terme économique qui fait principalement référence au schéma d’investissement adopté par la Banque centrale du Liban, suivie par d’autres banques d’investissement, et qui consiste en l’adoption de risques très élevés dans le financement et les investissements, garantissant en premier d’énormes avantages aux grands investisseurs. « Pendant des années, la banque centrale du pays a utilisé l’argent des dépositaires libanais dans les banques pour financer les dépenses corrompues et inutiles des gouvernements libanais successifs, et les personnes impliquées dans le stratagème ont récolté d’énormes fortunes jusqu’en 2019, lorsque tout s’est effondré », a souligné l’auteur. Ajoutant que « le stratagème, adopté par la Banque centrale, n’est peut-être pas techniquement illégal, mais il équivaut néanmoins à une corruption généralisée, résultat de cette politique ».

S. Heller a toutefois indiqué que « les causes de la crise» ne sont pas seulement « la cupidité et la corruption des élites à l’étape précédente », mais entre autres « la réticence des responsables à changer leurs méthodes ou à assumer leur juste part des pertes financières, dans la phase post-crash, ce qui a prolongé la durée de la crise financière et accru sa gravité et sa sévérité ».

Ajoutant que « les bailleurs de fonds internationaux étaient prêts à discuter d’un plan de sauvetage qui pourrait relancer l’économie, en particulier pendant la période du gouvernement de l’ancien Premier ministre Hassan Diab, qui a présenté un plan de réforme économique, mais les dirigeants libanais, en coordination avec le gouverneur de la Banque du Liban, ont résisté même aux réformes les plus simples exigées par les  bailleurs de fonds internationaux comme condition préalable au plan de sauvetage ».

L’analyste américain a ajouté que « les élites politiques et financières du pays ont bien profité du système actuel, et elles seront perdantes de toute solution organisée à la crise du Liban. Par conséquent, la Banque mondiale considère aujourd’hui que le Liban est désormais embourbé dans une récession, que l’élite lui a apportée, le dirigeant du pays, qui a pris le contrôle de l’État il y a longtemps. »

S. Heller précise que « la crise économique au Liban » constitue « un défi important pour l’administration Biden, qui espère empêcher l’effondrement complet du pays, et qui a précédemment déclaré que la lutte contre la corruption à l’échelle mondiale est l’une de ses priorités au niveau de la sécurité nationale», soulignant que « tous les choix auxquels Washington est confronté sont des choix difficiles. » Dès lors, ajoute l’analyste, « cela signifie inévitablement la nécessité de sacrifier un certain nombre d’intérêts et de gains qui ont été obtenus. »

Il a expliqué la difficulté des options de Washington dans l’arène libanaise à l’heure actuelle. « Etant donné que Washington a longtemps toléré la corruption au niveau de ses partenaires au Liban, voire a utilisé des mesures anti-corruption en tant qu’ arme exclusive contre ses ennemis politiques , mettant à l’abri tous ses amis et alliés , il est devenu facile pour les alliés de Washington d’échapper aux restrictions et de pratiquer la corruption dans l’administration de l’État, tandis que les ennemis de Washington ont perdu toute confiance dans les véritables mesures de réforme menées par les États-Unis, qu’ils considèrent comme faisant aucun effort pour les combattre et les cibler exclusivement », voire l’accusant d’être responsable de cet effondrement, via l’étau économique imposé au Liban, a-t-il expliqué.

« Jusqu’à présent, les responsables américains sont restés silencieux sur  l’énorme stratagème de corruption d’État qui a mis le Liban en faillite et dans lequel d’importants partenaires américains dans le pays sont impliqués », a écrit Heller. Ajoutant que « l’administration Biden doit résoudre ce problème de crédibilité si elle cherche un partenaire utile pour sauver le Liban, ce qui sera un test vital de son engagement à lutter contre la corruption à l’échelle mondiale ».

S. Heller a expliqué la nature de l’économie libanaise, qui « s’est construite sur la base de la destruction des secteurs productifs et de la dépendance à l’égard des flux de capitaux étrangers et du secteur bancaire, ce qui a ralenti l’économie libanaise au point d’atteindre ses niveaux les plus bas, sans compter l’exacerbation des crises politiques et militaires dans la région, en particulier dans la Syrie voisine ». Comme il a dénoncé la nature des politiques financières US envers le Liban, et pourquoi les Libanais les considèrent comme discréditées et doutent qu’elles visent à lutter contre la corruption et à réformer l’État, malgré l’imposition de sanctions aux hommes d’affaires corrompus. Et d’ajouter qu’ « aucune de ces actions ne sont convaincantes pour quiconque, car les États-Unis sont perçus comme proches, en particulier, des élites libanaises responsables de la crise actuelle, notamment le gouverneur de la banque centrale, Riad Salameh, qui a longtemps travaillé avec les États-Unis pour faire face au financement du Hezbollah », et pour lequel Dorothy Shea, ambassadrice américaine, a accordé une interview pour le défendre. Elle a avoué que « les États-Unis avaient travaillé en étroite collaboration avec lui au fil des années» et qu’il jouissait d’une « grande confiance dans la communauté financière internationale. » Et l’analyste de souligner : « Et ce malgré le fait que Salamé soit accusé d’autofinancement et d’enrichissement illicite, voire d’être principalement responsable de l’échec de l’ingénierie financière et de la faillite du pays. » Jusqu’à récemment, beaucoup au Liban considéraient R. Salameh comme intouchable en raison de sa relation avec Washington. Le banquier et ses alliés ont saboté les pourparlers avec le Fonds monétaire international en 2020 et « la crise économique au Liban s’est poursuivie pendant encore deux ans ».

S. Heller rappelle qu’en 2020, l’administration Trump « a utilisé le Global Magnitsky Act pour sanctionner l’éminent politicien chrétien maronite Gibran Bassil, l’accusant de corruption, or en fait il est un allié du Hezbollah ».

David Schenker l’a admis après avoir quitté ses fonctions. « Nous avons imposé une série de sanctions au Hezbollah et à ses alliés libanais, y compris à des non-chiites, cette série a atteint son pic quand la loi Magnitsky a désigné Gibran Bassil comme corrompu », a-t-il reconnu.

Le chercheur américain s’est interrogé « pourquoi Washington n’a pas imposé de sanctions aux responsables libanais impliqués dans la corruption, extérieurs au cercle des alliés du Hezbollah, soit au cercle des proches de la politique américaine ? »

Pour souligner, enfin, que « l’administration Biden devra montrer aux dirigeants libanais qu’elle ne tolérera plus ce type de corruption endémique, qui a nui à l’économie libanaise. Si cela n’est pas possible, la slogan anti-corruption de Biden ne sera que de l’encre sur du papier ».

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