#Libération_Palestine

Logo Perspectives med

L’étau se resserre sur B. Ghali en Espagne: Le chef du Polisario échappera-t-il aux mailles de la justice espagnole ?

Comparaîtra ou ne comparaîtra pas ? Telle est la question qui agite l’opinion marocaine, mais aussi une partie de l’opinion espagnole, à la veille de la comparution du chef du Polisario devant l’Audencia National, tribunal espagnol ayant compétence à juger les affaires internationales, prévue demain mercredi. C’est le flou qui semble présider à ce dossier des plus complexes. Même si la diplomatie marocaine a réagi en enjoignant à Madrid d’être plus conséquent avec ses principes et intérêts…

Hospitalisé en Espagne depuis dimanche 18 avril, B. Ghali qui souffre d’une infection à la Covid-19, passe un mauvais quart d’heure. En effet, ses victimes n’entendent pas se laisser berner cette fois-ci et appellent les autorités espagnoles à le mettre aux arrêts. Mais la justice espagnole tarde à réagir en dépit des nouvelles plaintes déposées par des ONG et particuliers pour rouvrir les dossiers toujours en instance. Elle s’est contentée de convoquer l’accusé dans le cadre d’une seule affaire, et n’a pas émis de mesures conservatoires, à l’instar d’une surveillance devant sa chambre d’hôpital, pour éviter qu’il ne se volatilise. Hespress Fr qui cite une source au sein de l’Audiencia Nacional ayant requis l’anonymat note que les affaires ont été « fermées de manière provisoire », sans autre forme de procès. Voilà qui donne plus de crédibilité aux thèses développées par des médias quant à une entente négociée entre le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez en vue d’éviter au protégé du système algérien toute comparution devant la justice espagnole.
Le chef de file des séparatistes fait l’objet, depuis 2008, de plusieurs accusations très graves (séquestration, génocide, crimes de guerre, viol, disparitions forcées, torture…), rappelle-t-on. Et depuis cette date, il n’a plus jamais été vu en Espagne. Pour le moins « officiellement »… Et les nouvelles plaintes déposées en 2012, 2013 et 2016 contre B. Ghali exigeaient sa présence sur le territoire espagnol pour être traitées.
Mais les choses peuvent évoluer autrement et contrarier le deal algéro-espagnol. En effet, des médias évoquent l’ordonnance du juge d’instruction Santiago Pedraz rendue le 13 avril (soit avant l’arrivée incognito du chef du Polisario en Espagne) suite à une plainte pour enlèvement, détention arbitraire et torture déposée par El Fadel Breika, également de nationalité espagnole. Affaire qui rappelle celle de 2016, lorsque le juge José de la Mata, de la Audiencia Nacional, avait fait rouvrir des dossiers datant de 2012 à la veille d’un événement auquel B. Ghali était attendu.
Du côté marocain, on suit de près l’évolution de ce dossier. Pour rappel, Nasser Bourita, chef de la diplomatie, a fait preuve d’une rare franchise sur ce dossier dans l’interview accordée samedi à EFE pour parler de la position de Rabat dans l’affaire B. Ghali. L’Espagne joue avec le feu avec le Maroc et risque de compromettre sa relation privilégiée avec le royaume. N. Bourita a relevé que le Maroc n’a toujours pas reçu de Madrid les réponses aux interrogations légitimes qu’il a soulevées dans le communiqué publié dimanche dernier. « Pourquoi les autorités espagnoles ont-elles estimé que le Maroc ne devait pas être informé ? Pourquoi ont-elles préféré coordonner avec les adversaires du Maroc ? Est-il normal que nous l’ayons appris par la presse ? », a insisté le responsable marocain, se demandant si l’Espagne « souhaite sacrifier sa relation bilatérale » à cause du cas du dénommé B. Ghali.
Cette affaire « constitue un test de fiabilité de nos relations et de leur sincérité, et de savoir si elles ne sont qu’un simple slogan », avertit le ministre, rappelant que le Maroc a toujours soutenu l’Espagne face au séparatisme des indépendantistes catalans. « Lorsque l’Espagne était confrontée au séparatisme, le Maroc a été très clair, et au plus haut niveau : rejeter tout contact et toute interaction avec eux et en informer nos partenaires. Lorsque (les Catalans) nous ont demandé de les recevoir au ministère, nous avons exigé qu’un membre de l’ambassade d’Espagne soit présent », a-t-il rappelé.
« Avec des partenaires, on ne manœuvre pas derrière le dos sur une question fondamentale pour le Maroc », a martelé N. Bourita, ajoutant qu’avant d’avancer d’un pas vers l’avant dans les relations bilatérales « il faut d’abord clarifier les choses ». Cette affaire reflète « le double visage du polisario : alors que ses dirigeants ont droit à un avion privé et à une nouvelle identité, sa population kidnappée à Tindouf n’a ni masque ni gel hydroalcoolique, tandis qu’elle est ravagée par le Covid-19 dans l’indifférence la plus totale », a tenu à souligner le chef de la diplomatie marocaine. Qui martèle que le dénommé B. Ghali « est un violeur qui a toléré l’esclavage, la torture, les crimes de guerre, les enfants soldats et le génocide, et l’Espagne le sait avant tout le monde. Veut-elle sacrifier sa relation avec le Maroc pour cette personne ? ».
Revenant sur les plaintes déposées par les victimes du dénommé Brahim Ghali, notamment par l’Association sahraouie de défense des droits de l’homme (ASADEDH) et l’Association canarienne des victimes du Terrorisme (ACAVITE), N. Bourita s’est demandé « où est la justice espagnole dans tout cela ? Aucun magistrat n’a-t-il jugé nécessaire d’agir face à ces plaintes ? ».
S’agissant des arguments selon lesquels l’Espagne était la puissance occupante du Sud du Maroc, le ministre marocain a fait remarquer qu’il s’agit d’ « un prétexte qui ne se tient plus », expliquant que l’Espagne a occupé également des territoires du Nord du Maroc est, pourtant, elle « agit de manière normale ». « Nous ne pouvons pas rester prisonniers du passé espagnol », a-t-il insisté.
Certes, le Maroc et l’Espagne entretiennent « un partenariat global : politique, économique, commercial, humain et sécuritaire », et c’est là qu’intervient la question migratoire, a-t-il précisé, ajoutant qu’il ne faut pas penser qu’il s’agit d’ »une relation à la carte : quand il s’agit de comploter avec l’Algérie et le Polisario, le Maroc sort du radar de l’Espagne, mais quand on parle de migration ou de terrorisme, on redevient important ».
Selon des sources judiciaires ayant requis l’anonymat, Mohamed Benabdelkader, ministre marocain de la Justice (USFP) pourrait intervenir, de son côté, auprès de son homologue…
En attendant, des observateurs indiquent que la tension aurait été d’une moindre intensité si l’Espagne s’était concertée avec le Maroc… Mais tout semble indiquer que Madrid, comme nombre d’autres capitales occidentales, joue aussi à l’équilibriste entre Rabat et Alger. Le cœur penchant vers l’une ou l’autre capitale maghrébine en fonction des intérêts en jeu…

Recommandé pour vous